La (deep) tech, frein ou accélérateur du succès d’une startup ?
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La (deep) tech, frein ou accélérateur du succès d’une startup ?

Le succès d’une startup tient-il à sa capacité à développer des technologies innovantes, ou plutôt à celle d’en tirer des produits, de trouver son marché et les clients susceptibles de les utiliser ? C’était tout l’enjeu de la première table ronde organisée par Inria Startup Studio lors de sa Fête…

Le succès d’une startup tient-il à sa capacité à développer des technologies innovantes, ou plutôt à celle d’en tirer des produits, de trouver son marché et les clients susceptibles de les utiliser ? C’était tout l’enjeu de la première table ronde organisée par Inria Startup Studio lors de sa Fête des startups 2024, le 21 novembre dernier, et réunissant Véronique Jacq, directrice de Bpifrance Digital Venture, Graham Steel, CEO de Cryptosense, et Stéphane Donikian, CEO de Golaem, deux entreprises soutenues par Inria.

Chez Golaem, leader des solutions de création et d’animation de foules virtuelles pour les industries du cinéma, la technologie est essentielle, comme le rappelle Stéphane Donikian : « les innovations développées en laboratoire sont primordiales, puisque ce sont elles qui nous ont permis de reproduire le comportement de personnes synthétiques afin de peupler l’arrière-plan d’une scène. Quand vous voyez une horde de marcheurs blancs dans Game of Thrones, c’est nous ! » Toutefois, la technologie ne fait pas tout : encore faut-il la mobiliser pour aboutir à une solution commercialisable. « Notre concurrent historique a une technologie très puissante, mais il fallait près de six mois à un opérateur pour la maîtriser, alors qu’il suffit de quelques jours pour prendre en main notre solution et en affiner les premiers résultats« , explique Stéphane Donikian, qui met ainsi en exergue un premier enjeu dépassant la simple innovation technologique : « il faut faire en sorte que la technologie s’adapte au besoin des clients, et la rendre accessible à des personnes qui ne sont pas des technologues : dans notre cas, ce sont les créatifs et les artistes des studios. » Mais adapter sa technologie aux besoins de ses clients suggère un autre défi : trouver des clients. « Il peut être difficile d’appréhender la complexité technologique d’un produit. Je n’ai jamais trouvé les bons commerciaux pour vendre nos solutions, donc nous l’avons fait nous-mêmes« , indique Stéphane Donikian, qui s’est d’abord exporté aux Etats-Unis et au Japon, des marchés plus matures, avant d’intéresser des clients français.

Trouver son « go to market »

Ainsi, au-delà de créer une solution à partir d’une technologie, il faut aussi réussir à vendre cette solution. Un constat général partagé par Graham Steel, CEO de Cryptosense, un éditeur de solutions de cybersécurité et de gestion cryptographiques : « En France, on dit souvent qu’il y a des chercheurs et des idées, mais à la différence des Etats-Unis, il est difficile de convertir ces idées en valeur pour le marché. » Si c’est bien la technologie derrière Cryptosense qui a été valorisée lors de son rachat en 2022 par l’américain SandboxAQ, l’histoire n’aurait pas été la même si l’entreprise n’avait pas été utilisée par les principales banques d’affaires de Wall Street : « Nous avons toujours cherché à soigner notre réputation, y compris auprès de clients qui n’étaient pas notre cœur de cible, comme les telcos. Notre technologie était novatrice, et sans doute la plus efficace au monde, ce qui nous a permis d’attirer les clients qui en avaient besoin, et d’être identifiés par nos futurs acheteurs. Mais il était difficile de recruter des commerciaux pour vendre cette technologie, alors qu’eux-mêmes avaient du mal à la comprendre. C’est la difficulté des deep tech par rapport à certaines solutions SaaS plus légères« , affirme Graham Steel.

Une difficulté qui se fait également sentir au moment de séduire de potentiels investisseurs, comme l’indique Véronique Jacq, à la tête du fonds Digital Venture de la BPI, qui accompagne dès l’amorçage de jeunes pousses à fort potentiel : « Les startups deep tech ont souvent une mauvaise réputation auprès des investisseurs, qui trouvent ces structures trop capitalistiques, pour un « go to market » compliqué et une rentabilité qui est donc incertaine. Pour autant, ce sont les deep tech qui bâtissent souvent les fondations sur lesquelles se développent d’autres innovations. Elles vont donc adresser de nombreux besoins et sont moins dépendantes d’un ou quelques cas d’usages, comme peuvent l’être d’autres startups. » Autre avantage selon elle : « Une technologie peut intéresser un acquéreur, dès lors qu’elle fonctionne et qu’il peut l’intégrer facilement à ses process, là où les autres startups vont devoir développer des produits, conquérir des parts de marché et séduire bien plus de clients avant d’être vendues. Mais acquérir et intégrer une business unit entière est plus complexe qu’une simple techno…« , indique Véronique Jacq. Toutefois, sur les 36 fois où le fonds Digital Venture est sorti du capital d’une startup suite à un rachat, seulement 5 ou 6 cas de figure concernaient des entreprises qui n’avaient pour elles que leurs technologies. « Selon la nature de la technologie, la valorisation peut osciller entre 10 et 50 millions d’euros. Mais si l’entrepreneur veut dépasser ce seuil, il devra se structurer et développer un chiffre d’affaires de 10, 20, 30 millions d’euros ou plus. » Et ainsi délaisser de plus en plus la recherche pour endosser les différents costumes de l’entrepreneur.

Graham Steel, lors de la Fête des startups 2024 © Inria / M. Magnin

Date de publication : 10/02/2025

Tags : Scientifique startup

Sophie Barre

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