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Entreprendre, un vrai changement de métier pour un chercheur
À l’occasion de la Fête des startups 2024 organisée par Inria Startup Studio, trois entrepreneurs sont revenus sur leur parcours et ont évoqué leur quotidien, très éloigné de ce qu’ils imaginaient lorsqu’ils étaient encore de jeunes doctorants. Avec Adriana Gogonel, CEO de Statinf, Thomas Baignères, CEO d’Olvid, et Olivier Clatz…
À l’occasion de la Fête des startups 2024 organisée par Inria Startup Studio, trois entrepreneurs sont revenus sur leur parcours et ont évoqué leur quotidien, très éloigné de ce qu’ils imaginaient lorsqu’ils étaient encore de jeunes doctorants. Avec Adriana Gogonel, CEO de Statinf, Thomas Baignères, CEO d’Olvid, et Olivier Clatz (Program manager Digital Segur)
« Quand j’étais étudiant, je savais que je ne ferai pas de thèse. Quand j’ai fait une thèse, je savais que je ferai de la recherche. Ça n’a pas été le cas, et je suis allé dans une grande boîte. Je ne pensais jamais travailler dans une startup, ce que j’ai fait six mois plus tard, et encore moins en lancer une, tellement ça me semblait alors compliqué !« , indique Thomas Baignères, CEO d’Olvid, application française de messagerie cryptée. S’il reconnaît lui-même son manque de vision quant à ses anticipations, il porte un regard lucide sur la trajectoire qu’empruntent de nombreux chercheurs au moment de créer leur entreprise : un saut dans l’inconnu, auquel ils n’ont pas été préparés, et qui les pousse à apprendre sur le tas de nouveaux métiers, du marketing à la vente, en passant par la compta, le juridique ou les RH. « Il faut savoir s’entourer, car in fine, tous ces domaines sont aussi importants que la tech elle-même pour le développement de votre entreprise« , prévient l’entrepreneur, qui avoue avoir eu une révélation quant à l’importance du marketing, qui comprend autant la compréhension des besoins du client que le développement de la notoriété de son entreprise.
La recherche, pas toujours essentielle au succès d’une startup
« Au départ, tout ce qui n’était pas lié à la technologie était pour moi du secrétariat ! Mais très vite, j’ai dû me faire accompagner, ne serait-ce que pour tenir la comptabilité« , indique de son côté Adriana Gogonel, CEO de Statinf, une solution d’analyse du temps d’exécution des programmes embarqués, qui cible principalement les constructeurs aéronautiques et automobiles. « Là aussi, il y a une différence entre développer un prototype académique et un véritable produit répondant aux attentes des clients. Puis arrive la commercialisation ou encore la recherche d’investisseurs… À chaque fois, on s’entoure de nouveaux profils pour se dégager du temps et revenir à la recherche, mais à chaque fois, le développement de l’entreprise nous oblige à mettre une nouvelle casquette. »
Des rôles différents, Olivier Clatz en a lui aussi endossé un certain nombre avant de revenir récemment dans l’entrepreneuriat : chercheur au sein de l’Inria, il a fondé Therapixel, éditeur de logiciels spécialisé dans l’IA et l’imagerie médicale, avant de rejoindre le Secrétariat Général pour l’Investissement puis de créer et diriger un programme d’investissement dans le numérique rattaché au Ségur de la Santé. Son conseil : « Ne cherchez pas à être systématiquement le meilleur chercheur. Souvent, ça ne change rien le jour où vous allez créer votre entreprise, car l’essentiel ne se joue pas ici, mais sur votre capacité à être curieux et à vous emparer de tous ces sujets annexes. Au point qu’aujourd’hui, alors que je retourne dans l’entrepreneuriat, c’est au niveau technologie que je me sens le moins légitime… » Là encore, la clé est pour lui de bien s’entourer, même s’il prévient : « Quand je recrute, je préfère les personnes très engagées à celles qui sont surdiplômées. Mais il ne faut pas oublier qu’une partie de la solution doit aussi venir de vous, et de votre capacité à dépasser seul les obstacles quand vous y êtes confrontés !« .
Un conseil partagé par Thomas Baignères, pour qui la thèse arme les chercheurs à relever ce genre de défis : “Il ne faut surtout pas enseigner l’entrepreneuriat aux doctorants. Laissez-les se consacrer à leurs recherches ! Une fois leur startup lancée, ils apprendront sur le tas et comprendront très vite leurs erreurs et comment les réparer.” Et si tous les intervenants font état d’une certaine lassitude inhérente au rôle d’entrepreneur, et regrettent parfois de ne plus pouvoir se consacrer à la recherche, il semble que la clé est de trouver de la satisfaction ailleurs, comme l’explique Thomas Baignères : « C’est quand j’ai vu arriver dans mes équipes quelqu’un qui a eu l’idée que je n’avais pas eu, et que j’en ai été très heureux, que j’ai compris que j’étais vraiment à ma place. Réunir une équipe qui regarde dans la même direction, et qui peut avancer, y compris sans vous, je trouve que c’est une très bonne sensation !«
Date de publication : 10/02/2025